Rénovation des lycées d’Ile-de-France : l’action en réparation pour l’entente anticoncurrentielle conclue dans les années 90 n’est pas prescrite

Nicolas Giacobi, 05/06/2023

L’affaire a pour origine un programme de rénovation des lycées lancé par la région Ile-de-France en 1988. Jusqu’en 1997, 241 marchés publics ont été conclus, dont 101 avec des entreprises de travaux publics.

En 1996, le Conseil de la concurrence (aujourd’hui Autorité de la concurrence) s’est saisi d’office de pratiques anticoncurrentielles concernant 90 de ces marchés publics. Par décision du 9 mai 2007 (n°07-D-15), confirmée par la Cour d’appel de Paris le 3 juillet 2008 (n°2007/10671), il a sanctionné à hauteur de 47.3 millions d’euros 12 entreprises de travaux publics qui se répartissaient les marchés avant les appels d’offre. Parallèlement, le volet pénal de l’affaire a abouti à la condamnation de plusieurs salariés des entreprises concernées, ainsi que des élus et autres organes dirigeants de la région Ile-de-France, pour participation personnelle et déterminante à cette entente anticoncurrentielle.

En 2010, la région a introduit une action aux fins d’obtenir réparation du dommage subi du fait de cette entente. Aux termes de deux arrêts du 9 mai 2023 (n°451817 et n°451710), le Conseil d’Etat a confirmé que cette action, introduite 13 ans après la fin des pratiques en cause, n’était pourtant pas prescrite. Il a notamment jugé :

  • Que l’action relevait de l’article 2270-1 du Code civil, dans sa version applicable avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, selon lequel les actions en responsabilité civile délictuelle se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;
  • Que le délai de prescription a eu pour point de départ la date à laquelle la personne publique a « eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime ».

 
Il a considéré que les anciens organes dirigeants de la région ayant participé aux pratiques, la prescription n’avait commencé à courir qu’à compter de la date à laquelle les nouveaux organes dirigeants ont eu une telle connaissance, soit à l’occasion de la décision du Conseil de la concurrence du 9 mai 2007. L’action introduite en 2010 par la région n’était donc pas prescrite.

Sur le fond, le Conseil d’Etat confirme l’appréciation de la Cour administrative d’appel qui a retenu la responsabilité des entreprises de travaux publics pour les deux tiers du préjudice et celle de la région Ile-de-France pour le tiers restant.

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