La saisie des correspondances avocats/clients dans une affaire de concurrence : le principe de confidentialité à nouveau bousculé

Gautier Aznar, 24/10/2024

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé, le 24 septembre dernier, que les documents et correspondances échangés entre un avocat et son client peuvent être saisis dans le cadre d’opérations de visite et saisie (OVS) menées par les services de l’Autorité de la concurrence sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce. La seule limite tenant à ce que ces pièces soient nécessaires à l’exercice des droits de la défense.

Les points à retenir:

  • Alors que, par principe, l’ensemble des correspondances et documents échangés entre un client et son conseil est couvert par le secret professionnel au titre de l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, une distinction a été opérée dans cette décision entre les correspondances et documents relevant de l’exercice des droits de la défense, lesquels sont insaisissables, et ceux ne relevant pas d’un tel exercice, soit notamment les consultations juridiques d’avocats.
  • La Cour refuse d’accorder le bénéfice de la protection assurée par les articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale en cas d’OVS effectuées dans les locaux d’une entreprise visée par une enquête de concurrence. Ainsi que certains commentateurs l’ont relevé, la Cour de cassation refuse de considérer que le secret professionnel est protégé dans le cadre de l’activité de conseil des avocats. La loi dite de « confiance dans l’institution judiciaire », laquelle fut votée en 2021 à la suite de la validation de l’enregistrement d’échanges avocat/client dans l’affaire Bismuth, avait pour objectif de faire bénéficier l’ensemble des activités de l’avocat (conseil et défense) du secret. Or, la rédaction de la loi ne s’est pas faite en ce sens, de sorte que le conseil de l’avocat non lié à la défense de son client, a été exclu de la protection en matière pénale.
  • En pratique, il revient à la partie qui s’oppose à la saisie des documents de démontrer que ceux-ci sont nécessaires à la défense des clients.

 

Il convient de rapprocher cette décision de celle rendue par la Cour de justice le 26 septembre dernier (affaire C-432-23), laquelle a rappelé que la confidentialité des consultations juridiques est également garantie par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux. Dans cette affaire, la Cour a considéré qu’en privant les consultations d’avocats de la protection renforcée dont bénéficie le secret professionnel de l’avocat, sans se limiter à des situations exceptionnelles, le droit luxembourgeois vidait cette protection de sa substance. À la différence de la Cour de cassation, la Cour de justice n’opère ainsi aucune distinction dans la protection dont bénéficient les documents et correspondances échangés entre un avocat et son client.

L’avenir dira si les Autorités nationales de concurrence et les juridictions compétentes suivront la position de la Cour de justice ou celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation sur cette question.

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